La maladie de Krabbe ou leucodystrophie à cellules globoïdes

La maladie de Krabbe est une maladie rare héréditaire qui affecte la substance blanche des systèmes nerveux central (cerveau et moelle épinière) et périphérique (nerfs des membres inférieurs et supérieurs).

Une maladie génétique très rare (environ 1 pour 100 000 naissances)

Comme toutes les maladies génétiques, la maladie de Krabbe ne « s’attrape pas » comme on contracte une maladie infectieuse, telle la grippe. L’enfant naît avec une mutation génétique, l’équivalent d’un bug informatique dans le programme génétique des cellules. Les cellules fabriquent alors des protéines anormales, incapables de catalyser les réactions chimiques indispensables au fonctionnement de la cellule.
La maladie de Krabbe est due à des mutations du gène GALC (14q31) codant pour l’enzyme lysosomale galactocérébrosidase qui clive le résidu galactose du galactocérébroside et de la galactosylsphingosine, deux lipides complexes présents dans la myéline. Beaucoup plus rarement, la maladie est causée par une mutation du gène de la prosaposine PSAP (10q21-q22) codant pour la saposine-A, protéine nécessaire pour l’activité de GALC. Ces mutations entraînent une accumulation de galactosylsphingosine, conduisant à l’apoptose des oligodendrocytes (mort des cellules qui produisent la myéline), puis une démyélinisation des systèmes nerveux central et périphérique. Cette anomalie biologique se traduit par la présence dans la substance blanche (région du cerveau riche en myéline) de cellules (macrophages) ayant un aspect globoïde caractéristique.
Les conséquences cliniques sont variables. Elles sont très sévères dans la forme infantile, mais sont plus modérées lorsque la maladie survient plus tardivement.
La maladie se transmet selon un mode autosomique récessif, c’est à dire que le gène impliqué est porté par un chromosome non sexuel (ni X, ni Y) et que les deux copies du gène doivent mutées (celle provenant du père et celle provenant de la mère) pour que le caractère s’exprime.
L’Union Européenne définit une maladie rare comme une maladie dont la prévalence (c’est à dire le nombre de patients vivants atteints de la maladie) est inférieure à 1/2000. La maladie de Krabbe qui a une incidence mondiale à la naissance comprise entre 1/100 000 et 1/250 000 naissances est heureusement rarissime. La prévalence est beaucoup plus faible, la majorité des patients décédant avant l’âge de 1 an.

Les symptômes de la maladie

Décrite pour la première fois en 1916, la maladie de Krabbe s’exprime sous plusieurs aspects: une forme infantile, une forme à début tardif (infantile tardive/juvénile) et une forme adulte.

La forme infantile, de loin la plus fréquente, apparaît chez le nourrisson entre deux et six mois et évolue en trois stades caractéristiques. Les premiers symptômes comportent une irritabilité importante de l’enfant, des contractures musculaires, une incapacité à tenir la tête droite (hypotonie axiale), une perte des fonctions intellectuelles acquises, un retard de croissance, des difficultés d’alimentation et des épisodes fébriles. Puis apparaissent des épisodes hypertoniques et des crises convulsives. Le dernier stade est plus calme, l’enfant devient hypotonique avec apparition de troubles de déglutition, source d’infections respiratoires. L’issue est souvent fatale avant l’âge de 2 à 3 ans.

Beaucoup plus rarement, la maladie débute plus tardivement (après l’âge de 2 ans, voire même à l’âge adulte). La progression de la maladie est plus lente avec des troubles moteurs et une régression intellectuelle, mais elle reste très variable, même au sein d’une même famille. Les premiers signes qui surviennent chez l’adulte sont une faiblesse musculaire, des troubles de la marche correspondant à une paraparésie spastique, une ataxie (troubles de l’équilibre), une neuropathie périphérique, associés à des troubles sensitifs à type de brûlures, souvent une atteinte de l’acuité visuelle. Les fonctions cognitives restent longtemps préservées dans les formes de l’adulte.

Le diagnostic de la maladie

Le diagnostic évoqué devant le tableau clinique et les anomalies de la substance blanche à l’IRM est établi à partir de tests enzymatiques sur les leucocytes ou les fibroblastes en culture, révélant une déficience de l’activité de la protéine GALC dans la quasi totalité les cas. La mise en évidence de la mutation confirme le diagnostic.

Le diagnostic prénatal, dépistage enzymatique ou analyse de la mutation, est possible pour les familles à risque. Ce dépistage n’est effectué de façon systématique chez le nouveau-né à la naissance que dans l’État de New York. Un conseil génétique doit être proposé aux couples à risque (les deux individus sont porteurs de la mutation), en les informant du risque de 25% de donner naissance à un enfant malade. Un dépistage génétique prénatal à 11 semaines de grossesse est alors possible.

Le mécanisme simplifié conduisant à la maladie

Le cerveau commande de nombreuses fonctions du corps comme la posture, le mouvement, les sens, la parole ou encore la réflexion ou la mémoire. La circulation de ces informations est essentielle. Dans le cerveau, les oligodendrocytes sont les cellules spécialisées distinctes des neurones qui fabriquent la myéline nécessaire à la bonne circulation de l’information entre les neurones, le long des « câbles » qui les relient, appelés axones.

La maladie de Krabbe est un trouble des fonctions du lysosome affectant la substance blanche des systèmes nerveux central et périphérique. Dans les cellules, les lysosomes sont chargés du « recyclage » des déchets cellulaires. Mais, chez les patients atteints par la maladie de Krabbe, les lysosomes ne fonctionnent pas correctement et les déchets s’accumulent. L’accumulation de produits toxiques dans les oligodendrocytes (notamment un composé appelé psychosine) conduisent à leur disparition (mort par apoptose), entraînant la démyélinisation des systèmes nerveux central et périphérique ce qui empêche la bonne circulation de l’information nerveuse.

Le traitement

Du fait de la rapidité et de la sévérité de la maladie dans sa forme infantile, l’atteinte cérébrale est déjà trop importante lorsqu’est fait le diagnostic pour qu’un traitement puisse avoir une efficacité, avant que des lésions cérébrales irréversibles conduisant à un état grabataire ne surviennent. Seuls de rares patients ayant soit une forme infantile pré-symptomatique (dépistés le plus souvent parmi les frères ou sœurs), soit une forme d’apparition plus  tardive sont parfois accessibles à une option thérapeutique. Ce traitement est cependant aujourd’hui limité à la greffe de moelle osseuse, encore appelée transplantation des cellules souches hématopoïétiques ou à la greffe de sang de cordon.  La greffe de moelle osseuse nécessite de trouver un donneur compatible sur le plan immunologique et permet soit de ralentir la progression de la maladie, soit d’arrêter son évolution, mais toujours avec un laps de temps de 6 à 12 mois après que la greffe soit faite. Ce traitement n’est pas sans risques : absence de prise de greffe, réaction sévère du greffon contre l’hôte (les cellules du donneur « attaquent » les cellules du receveur), infections sévères notamment virales du fait de la baisse temporaire des défenses immunitaires en relation avec la préparation à la greffe, toute complication pouvant conduire au décès.

D’autres options thérapeutiques sont actuellement à l’étude, mais uniquement dans des modèles animaux de la maladie, comme la thérapie génique qui consiste à transférer aux cellules de l’animal une version normale du gène codant pour l’enzyme GALC, ou encore le remplacement enzymatique qui consiste à leur injecter l’enzyme normale. Cette dernière méthode se heurte cependant à une limite physique : le cerveau est entouré par une barrière qui le protège, mais qui limite aussi son accès.

Enfin, l’étude de protéines chaperons qui permettent de modifier les anomalies de conformation d’une protéine mutée pourrait être une piste intéressante, si elle permettait d’augmenter l’activité enzymatique de l’enzyme GALC mutée.

La prise en charge de la maladie au quotidien

Elle n’est pas du tout spécifique de la maladie de Krabbe : traitement des accès de raideur et de la douleur qui les accompagne, rééducation motrice, prévention des troubles de la déglutition et des infections pulmonaires, apport calorique suffisant qui peut nécessiter une alimentation par sonde gastrique ou gastrostomie (sonde directement placée dans l’estomac), prévention et traitement d’une scoliose si elle apparaît, prise en charge psychologique des frères et sœurs et des parents.

Elle est particulièrement difficile dans les formes infantiles de maladie de Krabbe où des accès d’hypertonie source de douleurs pour le jeune patient et des épisodes de fièvre inexpliquée surviennent très fréquemment pendant quelque mois. On est souvent conduit pour soulager la douleur des enfants qui reste une priorité, à  proposer une escalade de traitement antalgique (antidouleur) qui ont aussi leur revers : les enfants sont beaucoup plus endormis et réagissent beaucoup moins à l’entourage. Ces accès douloureux et de fièvre disparaissent spontanément. Les enfants sont alors beaucoup mieux et il n’est pas rare de constater la réapparition d’un contact réel et même d’une petite amélioration motrice. A ce stade, la prise en charge nutritionnelle, motrice (kinésithérapie, prévention des conséquences des troubles de la déglutition) et relationnelle avec son entourage est fondamentale pour optimiser le confort des enfants.

Ainsi, la maladie de Krabbe est une leucodystrophie rarissime, mais particulièrement sévère dans sa forme infantile pour laquelle nous sommes relativement démunis du point de vue thérapeutique. Les pistes de traitement sont encore à un stade préclinique.